Lorsqu’Hillary Dallas, directrice de l’exploitation pour les voyages mondiaux d’Aon, s’entretient avec des cadres du domaine de l’approvisionnement, les échanges sont plus complexes que les discussions ayant lieu avec les personnes en charge d’autres catégories d’approvisionnement. Elle se retrouve en effet à parler de l’écosystème du voyage sous-jacent et de son économie unique.

Le voyage, contrairement à d’autres catégories d’approvisionnement, est doté d’un élément d’exploitation et de gestion qui est essentiel, selon Hillary Dallas, qui s’occupe à la fois de l’approvisionnement et de l’exploitation du secteur des voyages. Les acheteurs de services de voyages doivent cibler les fournisseurs déjà au cœur des dépenses liées aux voyages, négocier les meilleurs rabais et mettre en œuvre des contrôles et des politiques afin de diriger les dépenses vers les fournisseurs privilégiés. À cela s’ajoute un important élément de gestion de la demande, les acheteurs et les chargés de voyages devant écrire et réviser la directive, vérifier la conformité liée au programme et faire la prévision des dépenses.

« L’approvisionnement, c’est plutôt simple, a dit Hillary Dallas. Il s’agit d’obtenir des ententes et de les redonner à l’entreprise, tandis que [dans le domaine du voyage] nous gérons réellement le tout. Nous appliquons des rabais à nos dépenses dans le but de continuellement améliorer notre entente et d’augmenter notre part de marché. »

L’expérience de voyage relève également des choix faits en matière d’approvisionnement. Leslie Hadden, chargée des voyages mondiaux de LinkedIn, a expliqué que son travail est d’assurer une expérience de voyage positive et d’améliorer la productivité. Elle surveille les moments où les voyageurs effectuent leurs réservations et ce qu’ils incluent dans celles-ci, vérifie les fournisseurs qu’ils choisissent et évalue leur confort lors du voyage par l’intermédiaire de sondages envoyés après leur déplacement. Pour choisir les fournisseurs, elle tient compte non seulement des rabais, mais aussi du service. « Si l’expérience et le service sont les bases de mon programme, ils doivent offrir à mes voyageurs un service à la clientèle ou un soutien de premier plan », a-t-elle indiqué.

Au bout du compte, l’approvisionnement sera toujours mesuré en fonction du coût unitaire et des efficiences obtenues, selon Jason Cesta, chef de la gestion des dépenses mondiales d’Aon Americas et superviseur d’Hillary Dallas.

Selon David McDonald, chef des voyages mondiaux d’Hogan Lovells, les indicateurs clés sont les mêmes pour toutes les catégories d’approvisionnement : le niveau de référence des dépenses, la stratégie, les dépenses prévues liées à la stratégie et le ratio avantages-coûts de la stratégie. Bien sûr, tous ces indicateurs tournent autour des économies. Leslie Hadden a abondé dans le sens de cette priorité : « L’importance des économies est énorme. C’est la priorité numéro un. Tout est toujours une question d’économies, n’est-ce pas? Combien ferez-vous économiser à l’entreprise? »

Laissez les cadres du domaine de l’approvisionnement juger

« Notre priorité est de déterminer le besoin opérationnel, la croissance de l’entreprise et les inducteurs de coûts, a dit Jason Cesta. Ensuite, il s’agit d’apporter de la transparence vis-à-vis des secteurs où l’on dépense l’argent et de les reconnaître, et de savoir si l’argent utilisé pour des dépenses discrétionnaires correspond aux objectifs de croissance de l’entreprise ou non. Après cela, il faut créer des contrôles afin que les services des finances et de l’exploitation ainsi que les autres dirigeants de l’entreprise puissent savoir comment décider de la répartition des ressources qui sont rares au sein de différents secteurs. » Essentiellement, a indiqué Hillary Dallas, les dirigeants veulent savoir où trouver des économies et si l’entreprise gère son programme de la bonne manière par rapport à d’autres organisations de taille similaire.

Jason Cesta, qui s’occupe de toutes les catégories d’approvisionnement pour le marché de l’Amérique, a dit que ses plus grandes préoccupations tiennent principalement à la création d’un équilibre entre les « leviers traditionnels du voyage d’affaires », soit les coûts, la sécurité et l’efficacité.

Jason Cesta ne voyage que de six à huit fois par année. Il se fie à Hillary Dallas et à son équipe pour évaluer l’utilisation et le rendement des fournisseurs, mesurer l’impact sur les voyageurs et cibler les possibilités d’amélioration. Par exemple, « si nous rencontrons beaucoup de problèmes relatifs à l’exécution en temps opportun ou aux annulations et que nous savons que nous avons un grand nombre de collègues qui voyagent avec une compagnie aérienne donnée, nous savons que nous avons un problème d’opérations irrégulières et nous travaillons avec nos transporteurs pour le résoudre et le gérer », a dit Jason Cesta.

Leslie Hadden agit sous la supervision de Jim Morgensen, vice-président du milieu de travail de LinkedIn, qui est également en charge d’autres fonctions de service et des immeubles et des installations à l’international. Ce dernier voyage au moins deux fois par mois et, au moins une fois par trimestre, il quitte son port d’attache, San Francisco, pour se rendre en Asie ou en Europe. Un adjoint administratif réserve ses voyages parce que ses itinéraires « deviennent complexes très rapidement et demandent beaucoup de temps ». Il comprend à quel point les désagréments peuvent frustrer les voyageurs.

« Je peux comprendre pourquoi les gens font une fixation sur les changements à l’aéroport et d’autres éléments, sur les changements d’hôtels ou d’itinéraires, et ce, même pour des choses simples », a-t-il dit. Jim Morgensen s’est rappelé un voyage vers un pays où LinkedIn avait conseillé aux voyageurs d’utiliser Uber comme transporteur terrestre. Une fois arrivé sur place, cependant, il a découvert qu’Uber n’exerçait pas ses activités à cet endroit.

LinkedIn reconnaît que voyager est moins un avantage que quelque chose d’imposé — sur les employés et  sur le bien-être et la famille de ceux-ci. Selon Jim Morgensen, minimiser les irritants et simplifier le processus de voyage est une priorité. « Nous voulons vraiment, autant que nous le pouvons, que ce soit une expérience très positive pour eux et que tout soit aussi simple que possible, nous assurer qu’il n’y a pas de grande surprise. Nous tentons réellement de prendre soin d’eux autant que nous le pouvons », a-t-il dit.

Obtenez des appuis

Les cadres sous la direction desquels David McDonald a agi ont rejeté des plans d’approvisionnement en voyages parce qu’ils exigeaient trop de gestion du changement, présentaient un faible rapport coûts-avantages ou semblaient priver les gens de quelque chose. Il a appris que les cadres du domaine de l’approvisionnement et, en fait, tous les cadres, maquent de temps, sont au courant des affaires qu’ils mènent et sont intelligents. Il faut donc aller directement au but dans les rapports, a-t-il expliqué. « Si vous ne parvenez pas à intégrer ce que vous voulez dire dans les trois ou quatre premières diapositives, vous les avez perdus. Vous devez également présenter votre analyse de cas d’une façon qui, disons, sera presque évidente d’ici la troisième ou la quatrième diapositive. »

Hillary Dallas évite de présenter l’ensemble des éléments liés aux voyages et aux frais de déplacement aux cadres du domaine l’approvisionnement. Au lieu de cela, son équipe sépare les dépenses par division de l’entreprise, par lieu, par dépenses facturables et non facturables, etc. Elle crée également des tableaux de bord comportant des indicateurs qui répondent à des questions de base, comme « Quelles sont les tendances en matière de dépenses? », et à des questions plus complexes, comme « Ce que nous achetons est-il conforme à notre directive? », « Adoptons-nous le tarif logique le plus bas? » ou « Dépassons-nous nos seuils dans chaque marché? ». Les cadres de l’approvisionnement d’Aon aiment également mesurer le rendement de l’entreprise en faisant des évaluations comparatives avec d’autres organisations d’envergure similaire.

Lorsqu’elle s’entretient avec des cadres du domaine de l’approvisionnement, Hillary Dallas aborde les questions suivantes :

  • Gestion de la demande : devrions-nous voyager ou non? Ces voyages sont-ils nécessaires?
  • Fournisseurs : qu’achetons-nous véritablement? Devrait-on acheter différemment? Devrions-nous séjourner à des hôtels de luxe ou à des établissements de niveau intermédiaire?
  • Directive : devrions-nous changer notre directive pour réaliser des économies? Devrions-nous permettre aux gens de voyager de l’Europe aux États-Unis en classe affaires?
  • Ententes de sourçage : devrions-nous structurer nos ententes différemment? Devrions-nous mettre davantage d’ententes en place pour couvrir plus de dépenses?

Leslie Hadden adopte une approche collaborative se fondant sur la confiance, la clarté des attentes et la compréhension mutuelle avec les intervenants de l’approvisionnement. Elle parle à ceux-ci de volumes de dépenses, d’impacts des rabais, d’évaluations comparatives et, bien entendu, d’économies. De leur côté, ils font confiance à son expertise, aident à vérifier et à valider ses recommandations de fournisseurs et s’assurent que les rabais qu’elle a négociés sont en vigueur et que les ententes sur le niveau de service qu’elle a conclues sont respectées. De cette façon, l’équipe de l’approvisionnement complète sa stratégie.

La crédibilité de Leslie Hadden est même bien établie auprès de Jim Morgensen, qui se fie totalement à ses recommandations de fournisseurs : « Elle va me soumettre ses recommandations, mais j’interviens rarement pour choisir un [fournisseur] plutôt qu’un autre ou pour ce genre de choses. Je me fie réellement à l’équipe. Ce sont des experts et ils connaissent bien mieux le sujet que moi. »

Voyages gérés : les enjeux liés à l’approvisionnement

Puisque les services d’approvisionnement et les acheteurs de services de voyages ont différentes priorités, il peut être difficile d’établir une confiance mutuelle, et cela peut ralentir le processus de conclusion des contrats avec les fournisseurs, a expliqué Leslie Hadden, qui est chargée des voyages mondiaux de LinkedIn et a beaucoup travaillé au sein de services d’approvisionnement. Les pertes de temps font en sorte que des occasions d’économiser sont ratées, et cela peut causer des tensions dans les relations que les chargés de voyages entretiennent avec les fournisseurs, qui sont frustrés de voir que les revenus stagnent. « Cela met de la pression sur les chargés de voyages, qui doivent soit adopter une position et apporter leur aide ou ne pas s’en mêler et dire [aux fournisseurs] : “Nous sommes désolés, c’est un problème que vous avez avec l’approvisionnement. Nous avons une bonne relation, mais vous devez trouver une solution entre vous” », a-t-elle expliqué. De nombreux acheteurs de services de voyages voient donc l’approvisionnement comme un frein à la poursuite de leurs objectifs.

Hillary Dallas, directrice de l’exploitation pour les voyages mondiaux d’Aon, a beaucoup discuté de l’importance de bâtir des programmes de voyages gérés avec des cadres du domaine de l’approvisionnement. « Vous pouvez négocier un contrat avec une compagnie aérienne ou une entreprise hôtelière, mais s’il n’est pas appliqué correctement au sein des agences, il y a de grands risques que cela ne fonctionne pas », a-t-elle dit.

Cet article est une traduction de l’anglais d’un texte de Dawit Habtemariam paru sur le site businesstravelnews.com le 4 novembre 2019. Pour consulter la publication originale, veuillez cliquer ici.